Ce mec m’a fait ma journée ! Un peu d’entrain dans le train

Il ne s’agit pas ici, d’un coming out mais du partage d’un morceau de vie, celui de mon quotidien. Anodin, mais pas commun ou simplement pas aussi commun que je pouvais le penser.

Je vous raconte…

C’est un matin comme un autre, j’attends sur le quai de la gare mais rien ne se passe. 15 minutes, 30 minutes, 45 minutes…Rien !

Pas un train, pas un fourgon de marchandises. Les rails sont déserts mais le quai est bondé. Bienvenue dans le quotidien d’un habitant de la petite couronne qui souhaite regagner la terre promise…Paris.

En guise d’information couvrant le brouhaha de la foule, le sosie vocal de Franky Vincent nous balance d’un ton appliqué mais désinvolte à travers un  vieux haut parleur qui grésille : « Un vol de caténaires ? Ou bien il s’agirait d’enfoirés qui seraient descendus sur la voie et donc foutoire total. Toutes les lignes de train de France et de Navarre sont bloquées pour une durée indéterminée, Tiembè red, pa moli » – Ce genre d’infos passent toujours mieux avec un accent qui fleure bon les vacances.

Je l’ai toujours dit « la bêtise d’une minorité met toujours à mal la volonté du plus grand nombre ».

Tout ça pour dire que cela fait un peu plus d’une heure que j’attends accompagné d’une horde de râleurs qui n’ont qu’une hâte : monter dans le train pour aller au turbin. (C’est dans ce type d’événements que les préjugés sur le travailleur français tombent en désuétude… Le travailleur français d’aujourd’hui aime viscéralement son boulot et enrage à l’idée même d’être en retard…Crise économique oblige ou l’expression de cette exception culturelle française où râler est érigé en véritable sport national ?)

Finalement, le train arrive… Branle bats de combat ! Ça joue des coudes, ça pousse, c’est la loi du plus fort… Chacun part à la chasse pour trouver une place (assise). Femme enceinte, poussette, personnes âgées, tout le monde est logé à la même enseigne, celle de la débrouille et de la roublardise. J’ai vu un mec mettre ses lunettes de soleil (noires) et feindre d’être aveugle en bousculant tout le monde pour pouvoir reposer son séant.

Ah ! Qu’est-ce qu’on est serré, au fond de cette boite !

Avec un peu de malice et beaucoup de vice, je m’arrange pour me trouver une place tout confort. J’ouvre un bouquin #OKLM comme disent les jeunes, un recueil de poésie de l’ami Charles (Bukowski), page numéro 114, le titre écrit en gros et en gras « Pédé Pédé Pédé »

Je commence à lire avec un peu de gêne car je sens le regard insistant et curieux de mes compagnons de voyage à l’affût du moindre détail entre deux parties de candy crush ou de world of war.

C’est bon ! Ce n’est qu’un titre de poème … Je ne lis pas aux yeux de tous, 50 nuances d’un noir trop sombre en mouillant ma culotte non plus. Et puis merde, c’est de la littérature !

Bon je continue à lire… Le poème au titre hyper accrocheur me laisse de marbre. Il s’agit plus de divagations d’un alcoolique non repenti plutôt que de belle poésie. Dans ce recueil Les jours s’en vont comme des chevaux sauvages dans les collines, il faut le dire, on flirte parfois avec le superbe pour souvent tomber dans la fange et la gerbe: 1 poème sur 3 ou 4 est bien. ( Il y a eu peut être un souci de traduction ou simplement un mauvais choix de carburant pour le bon vieux Bukowski qui tournait parfois à la villageoise et à la prostituée low cost)

Je passe au poème suivant et là, tout d’un coup, j’entends une femme en train de crier (dans le train), de hurler enfin de jouir plutôt … Je regarde autour de moi, je vois une certaine stupeur… Tout le monde tourne la tête à droite à gauche, j’en fais de même.

Les cris, les râles sont de plus en plus intenses. Ça tape sec ! L’atmosphère est de plus en plus lourde. Et l’orgie auditive continue.

Au doigt mouillé, il y avait au moins 5 protagonistes. Les deux ménagères de plus de 50 ans en face de moi, roulent des yeux. Cette cacophonie, cette polyphonie corsée se faisait de plus en plus insoutenable. D’où pouvait bien venir ces sons ?

Ils sortaient tout droit du portable d’un mec (25-30 ans), propre sur lui, calé côté fenêtre à quelques mètres de nous.

En mode panoramique, il regardait son écran avec avidité, semblant apprécier grandement le spectacle. Casque vissé sur la tête, il était dans son monde et ne voyait pas que subitement le monde le regardait.

Je l’observe de plus près et je m’aperçois que sa prise casque s’est légèrement débranchée de son portable (Un mouvement malheureux sûrement causé par l’excitation)

Après deux bonnes minutes d’audio porn, ses voisins les plus proches lui firent un signe. Il comprit immédiatement, il enfonça la prise casque et le bruit s’arrêta.

L’expression de son visage était si…. Tellement …. Il fallait le voir pour le croire.Totalement indescriptible !

La honte l’avait complètement sonné, un crochet au menton. Ces yeux étaient vides, son visage livide.

Il prit tout son courage et se leva comme un seul homme. Il se fraya un chemin vers la sortie en fendant la foule sous les regards souvent réprobateurs et parfois goguenards. Il descendit les escaliers 4 à 4 pour se rendre au rez-de-chaussée. (Oui, je prends des trains à deux étages)

À travers la vitre, je le vis descendre au premier arrêt venu, une petite bourgade où tout le monde monte et personne ne descend (le trou du cul du monde)… À peine 10 minutes de trajet, au plus 15 !

En cette matinée de trafic interrompu, d’attente pénible, de retard, de promiscuité malsaine et malodorante, ce mec m’a fait ma journée !

Merci qui ? Merci à toi l’anonyme, amateur de films pour adulte !